Alter Ego

Le fleuve de la vie nous emmène très souvent exactement là où on ne s'attendait pas à aller. On a des projets, des idéaux que l'on croit immuables. On se fixe des objectifs, et l'on pense que ce sont eux qui vont guider notre vie. C'est parfois vrai.

Mais il arrive bien plus souvent que la vie nous mène vers des écueils, des bras d'eau, des rapides tumultueux, puis des étendues plus calmes, et tant qu'on n'a pas atteint l'estuaire, la vérité est que l'on ne connaît même pas notre destination...

C'est ainsi que - à ma grande surprise - j'ai connu la plus importante révélation de ma vie dans sa période la plus calme. On s'imagine souvent, et c'est un travers que l'époque moderne renforce, que c'est l'hyperactivité qui va nous mener à notre finalité ultime. Mais ça n'est pas vrai. On ne s'ouvre à la plénitude de soi-même que dans la découverte de son intériorité profonde. C'est en tout cas cette vérité qui s'applique à moi, si elle ne s'applique pas à d'autres.

Cette découverte ne se mène pas seulement par la contemplation, non. Elle est aussi faite de choix, de virages, d'actions concrètes. Mais en tout cas, elle se fait parce que l'on est à l'écoute de soi, de sa nature profonde. On ne peut se découvrir lorsque l'on se fuit perpétuellement dans une quête de la reconnaissance par le faire ou par l'avoir...

Mais ce n'est pas pour vous parler de ces lénifiantes constatations que j'écris ce billet.

Bien que je ne sois qu'un être humain comme les autres, il faut bien que je reconnaisse que mon histoire n'est pas tout à fait commune. Venons-en aux faits.

Il se trouve qu'à la période où j'allais attaquer l'écriture de ce que je considère encore aujourd'hui comme mon premier roman, il m'a été donné de vivre un rêve étrange. Bien que je sois physiquement et indubitablement un homme, dans ce rêve j'étais une femme. Jusque là, rien de très extraordinaire en soi, après tout les rêves autorisent toutes formes d'évasions que ne permet pas notre enveloppe charnelle, justement. Mais ce qui est plus troublant est que cette femme était enceinte, et que j'étais cette femme. Et que je ressentais les douleurs utérines de cette femme... Cela m'a même réveillé.

Ce rêve, que je ne compris pas sur le coup, me poussa en fait à engager mon roman d'une manière différente que ce que je comptais faire jusqu'à ce jour. J'ai seulement compris plus tard que cette étrange féminisation onirique était en fait le coup d'envoi de ce que j'appellerai mon développement chamanique.

Au fil de mes recherches, j'ai découvert que la question du genre était loin d'être neutre dans le chamanisme. Selon les traditions, les tribus, les régions du monde, la pratique est souvent réservée à un sexe ou à l'autre. Et elle est assez communément réservée aux femmes, ou tolérée pour les hommes, mais considérée comme "féminisante". Je ne développerai pas plus, faute de pouvoir écrire une encyclopédie ici (à supposer que j'ai les connaissances nécessaires, ce qui n'est pas le cas). Cependant le fait est déjà assez troublant, mis en parallèle avec cette expérience, et d'autres que j'ai connu par la suite.

Quelques années plus tard, alors que j'avais approfondi mes recherches, j'ai alors fait une découverte dont je n'ai saisi l'ampleur qu'assez récemment... Il s'est avéré que j'ai en fait une sorte d'alter ego féminin, dont l'existence se poursuit parallèlement à la mienne, "de l'autre côté".

Cet alter ego a bien des points communs avec moi, mais aussi bien des différences. Incontestablement la simple existence de cette entité est la preuve de la réalité d'un élargissement des possibilités que nous croyons connaître.

Vous pensez que j'affabule, que je n'ai aucune preuve ? Dans le mille, je n'en ai strictement aucune. Et je ne vous demande pas de me croire. La seule chose que je vous demande, c'est de plonger avec moi dans l'histoire de cette entité dont j'ai choisi de vous conter l'histoire. A vous de décider ensuite si mon récit n'est que la pure vérité, une affabulation complètement délirante ne pouvant naître que de l'esprit d'un charlatan à moitié fou... Ou si la vérité se situe quelque part sur la ligne médiane entre ces deux affirmations, comme c'est souvent le cas...

Avant de vous lancer dans mon histoire, je me dois au moins de vous donner quelques éléments. Par exemple vous vous demandez certainement qui est vraiment cet Alter Ego.

Je ne peux vous en dire grand chose que vous n'apprendrez en en découvrant l'histoire. Je sais qu'elle se prénomme Malice, qu'elle a une vingtaine d'années... Pour le reste, elle a son caractère, un caractère plutôt marqué, du reste... Mais pourquoi vous en dire plus avant de lever le voile sur cette histoire ? Je vais donc m'en arrêter là...