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L'oeil du Selen - le Retour
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5 mars 2008

Mises au point sur le Chamanisme

    Bon, à la demande générale, je vais lancer quelques articles sur le chamanisme, et viens d'ailleurs de créer une rubrique à cet effet. Et pour commencer, quelques avertissements, pour tordre le cou à quelques idées reçues sur le chamanisme en général.

Le mythe du bon sauvage

    Et tout d'abord une première mise au point. Lorsque l'on pense au chamanisme, il vient immanquablement à l'idée des images romantiques d'amérindiens au coeur pur ou de sauvages fondamentalement bienveillants. Cette imagerie est tentante et enchanteuse quelque peu trompeuse.

    Certes, les amérindiens, comme tous les autres peuples premiers, sont des êtres humains admirables, plein de qualités, avec une culture formidablement intéressante et une vision du monde passionnante, qui en remontrerait à beaucoup de nos "savants" occidentaux. Mais ce sont avant tout des êtres humains comme les autres, avec les mêmes potentialités, les mêmes qualités et donc les mêmes vices.

    J'enfonce peut-être là, pour beaucoup une porte ouverte, mais il me semblait important de le rappeler, tant dans les esprits naïfs, ce fait n'est pas aussi évident que cela, et est forte la tentation d'idéaliser ces peuples. On se les représente par exemple souvent comme fondamentalement et radicalement pacifistes et non-violents, alors que les choses sont tout de même plus nuancées que cela.

    Ce serait oublier aussi, dans le domaine qui nous intéresse dans cet article, c'est à dire le chamanisme, la dimension guerrière qui est indéniable dans cette pratique. Certains disent que c'est une dérive, une sorte de perversion arrivée avec le temps (idem pour le chapitre des psychothropes), et ce n'est pas totalement à écarter, bien que je trouve que cette conception des choses relève plus probablement d'une ignorance de la nature humaine, ou tout du moins d'une certaine naïveté, quant à celle-ci. Cela n'est pas non plus sans rapport avec une vision fondamentaliste des choses, c'est à dire la tendance à vouloir réduire quelque chose à son expression la plus "pure". Pour moi, cela conduit au risque de simplifier excessivement les choses jusqu'au manichéisme et d'en donner une idée fausse. Je suis désolé, mais sur terre, il n'y a pas les méchants d'un côté, les gentils de l'autre, comme dans les fictions à la Disney.

    Je ne vais pas m'épancher ici dans un documentaire sur la réalité amérindienne, ce n'est pas mon propos du tout, je voulais simplement rappeler cette évidence.

    Je terminerai ce premier avertissement par deux points.

    Tout d'abord, et cela ne me semble pas non plus inutile de le rappeler, le chamanisme ne se limite pas aux amérindiens. Tout au contraire, le chamanisme existe sur tous les continents, et sous des formes et variantes très diverses, semblant parfois se contredire les unes les autres dans leurs spécificités. Ces contradictions ne sont qu'apparentes, mais c'est encore un autre sujet à développer.

    Enfin pour conclure, je reviens sur l'aspect guerrier du chamanisme, pour en préciser la nature. Quelle est-elle donc ? Et bien pour comprendre cet aspect, et son importance, il faut se replacer dans le contexte de peuples qui vivent le plus souvent comme nomades, semi-nomades et toutes les variantes de chasseurs-cueilleurs. D'une part, ces peuples ont besoin de ressources. D'autre part, ils sont confrontés aux maladies et à toutes les difficultés qui attendent les hommes dans la nature, telles que les catastrophes naturelles, les famines, etc. Et enfin, ils sont en concurrence les uns avec les autres, surtout dans les périodes de crise ou de pénurie. L'un des rôles du chamane, en tant que protecteur de la tribu devient alors parfois de nuire au concurrent, c'est à dire à l'ennemi. Ceci par des sortilèges, malédictions, en employant l'aide d'esprits-alliés et ainsi de suite. On relate aussi, souvent, des conflits entre chamanes, sorte de duels magiques, dont l'issu conditionnera beaucoup de choses, en ce qui concerne la sûreté des tribus qu'ils défendent. C'est ainsi que l'on parle de chamanes noirs, ou de sorciers-chamanes, en Amérique du sud par exemple. L'on évoque aussi souvent le chamane-guerrier, dont les pouvoirs chamaniques doivent autant soutenir le clan lors des chasses que lors des combats entre clans. S'il est vrai que beaucoup de combats claniques sont ritualisés, afin de limiter les brutalités et les victimes, ce n'est pas toujours le cas pour autant.

    N'oublions pas que nous parlons de peuples, certes souvent idéalisés et perçus d'une manière tronquée et un peu puérile, mais vivant en fait en permanence dans une nature sauvage qui ne pardonne guère les erreurs et les faiblesses... Et non d'enfants de choeur passifs et bienheureux, à l'ombre de cloîtres... Il serait temps, au lieu de les insulter par une vision partielle et angélique de ce qu'ils sont, et de leur mode de vie exigeant, souvent dans des conditions rigoureuses (pensons par exemple aux inuits ou aux nombreux peuples de Sibérie, qui pratiquent aussi le chamanisme, et dont la mentalité est parfois assez rugueuse, sans leur faire offense) de rendre hommage aussi à leur courage, et à leurs compétences de survie, dont la place est cruciale, dans le chamanisme. Tout cela demandant des compromissions avec l'idée de bien absolu que nous avons trop facilement tendance à nous représenter, du loin de nos mégalopoles.


Le chamanisme et la modernité

    Une idée reçue courante est que le chamanisme est un concept dépassé, une spiritualité d'un autre temps. Tiens donc, la notion d'équilibre entre l'homme et son environnement, de la juste place de l'homme dans sa nature, mais aussi de la connaissance de la nature humaine, ou encore du respect de la vie seraient des choses démodées ?

    Le chamanisme, ce n'est pas seulement jouer avec des osselets, cela n'a rien à voir avec se prendre pour un super-héros avec de super-pouvoirs, et si l'époque est celle du désenchantement, et d'un certain rejet de la chose spirituelle, ce n'est pas pour autant qu'il faut oublier de rendre hommage à nos ancêtres, d'accorder de l'importance aux personnes décédées ou aux liens qui existent entre les mondes. Ça n'est pas parce que le nihilisme règne qu'il est la bonne voie. Ça n'est pas parce que l'époque rejette la morale, comme si c'était une chose fondamentalement nuisible, parce qu'elle a été dévoyée par l'obscurantisme et la soif de domination des grandes religions, qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain. La morale est souvent énoncée comme une chose étriquée, un obstacle à l'expression de l'individualité, pourtant à l'origine, elle est la base de l'art de vivre ensemble et contribue même à l'acceptation de la différence.

    Tout cela démontre bien que rien de ce que l'on trouve dans le chamanisme, des notions sociales aux aspects cultuels en passant par les notions de responsabilité envers la nature qu'il contient, rien de cela, donc, n'est démodé. Ce sont des choses intemporelles, qui de tout temps ne peuvent que contribuer à un plus grand bien être, au contraire, et c'est bien cela l'essentiel.

    L'on soutient aussi souvent que la médecine chamanique est dépassée, que la médecine moderne fait bien mieux. Mais c'est une stupidité que de mettre en concurrence ces deux approches qui peuvent être complémentaires. L'Organisation Mondiale de la Santé reconnaît elle-même l'efficacité et l'utilité du chamanisme, dans le domaine des maladies dites psychosomatiques, sur lesquelles la médecine classique, y compris dans le milieu de la psychologique, bute souvent. De nombreux psychiatres vont même jusqu'à s'inspirer du chamanisme pour étoffer leurs pratiques. Cela choquera sans doute les chantres étroits d'esprit qui défendent habituellement le purisme de la médecine institutionnelle, mais rejeter le chamanisme au rang des pratiques superstitieuses, du maraboutisme du "grigri" et ce genre de chose est une insulte à sa complexité et à la pertinence de ses techniques, dont certaines relèvent ni plus ni moins de l'étude des plantes sur plusieurs générations. Une telle somme de connaissance n'a pas grand chose en commun avec les découvertes pointilleuses et encore récentes des laborantins occidentaux, dont on mesure encore mal l'étendue des effets secondaires et tertiaires produits par les médicaments qu'ils ont inventé...

    Pour terminer sur ce point, je vais donner deux exemples à méditer.

    A charge du dossier sur le chamanisme, on peut noter qu'il existe, avec l'iboga par exemple (qui est à la fois une plante psychotrope, et le nom associé de la tradition chamanique gabonaise en rapport avec cette plante, bien que la religion en question se nomme en fait "Bwiti"), une technique extrêmement puissante de travail sur les dépendances. A tel point qu'elle a été adoptée par certains de nos médecins, en France. Attention tout de même, l'ibogaïne a des effets neuro-toxiques.

http://www.unige.ch/presse/archives/unes/2004/20041110neuchatel.php?seek=print

http://www.asud.org/produits/iboga_asud34.php

    A contrario, l'on retrouve des résidus médicamenteux dans les eaux des rivières et des lacs, et ces résidus contaminent la faune et la flore... Et oui, quand nous prenons des médicaments, nous en éliminons une partie en allant aux toilettes, et il faut bien qu'elle se retrouve quelque part... On ne mesure absolument pas les conséquences de ce fait, à ce jour.

http://news.doctissimo.fr/environnement-les-medicaments-pollueurs_article3576.html

http://www.eaudeparis.fr/cgi/actualite/images/residus_medicamenteux_mj.pdf

    L'on peut donc conclure que si la médecine chamanique, et en particulier l'utilisation de plantes psychotropes, comporte des dangers certains, il n'en va pas différemment avec la médecine officielle, dont les effets secondaires sont encore plus difficiles à mesurer, surtout dans le temps, et dans l'espace. Le chamanisme, de par son efficacité sur certaines pathologies et certains syndromes que l'on classe par facilité dans les domaines psychiques et psychosomatiques, a incontestablement toujours sa place dans la panoplie des thérapies modernes, jusqu'en occident, pour peu que les techniques soient appliquées, comme toutes techniques médicales, avec rigueur et précaution. Quant aux aspects sociaux, moraux et écologiques du chamanisme, non-seulement ils me paraissent avoir leur place dans le monde moderne, mais je dirais même : plus que jamais !

Chamanisme et scientisme

    L'obscurantisme fut l'un des maux les plus dévastateurs de l'ère récente. Il n'a pas disparu avec l'affaiblissement des religions consécutif aux grandes révolutions européennes. Il s'est simplement reporté sur les sciences, qui ont bien malheureusement atteint, chez pas mal d'esprits étroits, le statut de nouvelle religion. C'est le culte de la vérité scientifique, qui a encore de beaux jours devant lui.

    Devant ce culte, il faut s'incliner. Son commandement principal est de ne croire qu'en la preuve scientifique et de refuser tout possibilité de légitimation alternative. Cette hypertrophie de l'importance accordée à la raison toute-puissante implique que même les faits peuvent être amenés à s'incliner devant elle, si la raison ne peut les comprendre, les digérer, les expliquer, les ranger dans de petits tiroirs.

    Cette exagération du rationalisme scientifique, ou du doute (qui n'a souvent plus rien de raisonnable) que l'on retrouve dans la zététique, est un des fléaux de notre temps. Devant ce bulldozer sans discernement doivent fuir toutes les médecines alternatives, toutes les croyances non-institutionnelles et toutes sortes de minorités voulant échapper à la pensée unique.

    Avec cette pensée dominante, c'est en quelque sorte de règne d'une autre sorte d'arbitraire. Arbitraire qui décide qu'il est hérésie de croire en quelque chose qui n'a pas été scientifiquement prouvé, qu'il est folie de se soigner avec des thérapies non officiellement démontrées, et sottise de croire en quelque chose que l'on n'a pas vu. Comme si la raison était décidément le seul outil de la cognition humaine, comme si l'intuition était fondamentalement plus faillible que celle-ci (alors que c'est un mode d'appréhension du monde non-négligeable, et très important dans la démarche chamanique, ce qui comporte certes des risques, on ne peut le nier, mais est-ce une raison suffisante pour la rejeter ?), ou comme si une technique thérapeutique ne méritait pas d'être appliquée sous prétexte que son mode de fonctionnement n'a pas été expliqué et démontré, alors que cette technique marche, et soulage effectivement des gens.

    C'est dans ce contexte que le chamanisme évolue aujourd'hui, et il faut bien dire que c'est le seul obstacle à sa mise en oeuvre dans le monde moderne, tant le mépris exercé par ce culte, à l'égard de tout ce qui fonctionne autrement, est influent, sur nos modes de pensée. Si influent que beaucoup se sentent obligés de rechercher la caution scientifique, pour des choses qui sont a priori à l'extérieur du domaine de la science rationnelle telle qu'on l'appréhende aujourd'hui. Faut-il rappeler que le mot science se rapporte étymologiquement à la connaissance, ou au savoir, sans référence à la bonne ou mauvaise manière de l'obtenir, sans a priori sur la nature de ce savoir ? En effet, rien ne dit que la science est le domaine de chasse réservée du rationalisme...

    A vrai dire, le mot science peut tout aussi bien s'appliquer à la science médicale chamanique, ou à la sapience spirituelle... Ce sont des savoirs, au sens large du terme. Mais de nos jours, le scientisme s'est accaparé la marque déposée du savoir, sous prétexte de lutte contre les vérités alternatives. Atterrant, quand on y pense.

   

Chamanisme et new-age

    Un autre fléau du chamanisme est le courant new-age. Courant qui lui fit, et lui fait encore, beaucoup de tort, en infantilisant son approche, et en l'amalgamant avec toutes sortes de choses qui n'ont rien à voir, ce qui a tendance à le ridiculiser.

    Le new-age, cette nébuleuse incohérente de magies, de spiritualités anciennes et de croyances contemporaines sans relation les unes avec les autres, sans buts communs ni même, souvent, de concepts que l'on puisse sérieusement rapprocher. Un tel gloubi-boulga de tout et n'importe quoi qu'il constitue en soi-même la porte ouverte à toutes les dérives charlatanes en même temps qu'aux canulars les plus grotesques, sans parler du mercantilisme qui domine ce milieu.

    Le chamanisme n'y a naturellement pas échappé. Puisse-t-on le tenir autant que possible éloigné de cette confusion lamentable. Je ne vois rien de plus à en dire.

La folie du chamane

    Un autre thème qui génère une grande incompréhension, vis à vis du chamanisme. A l'opposé de la croyance que je décrivais au départ des amérindiens "êtres parfaits" et de leurs chamanes "incarnations vivantes de l'idée même de la sagesse", il existe aussi l'idée que les chamanes sont des malades mentaux ou des pervers, parfois les deux à la fois.

    Pourquoi ? Les deux causes principales en sont une incompréhension fondamentale de la nature du chamane et une propagande politique qui fut répandue sous l'ère stalinienne, en Russie, qui a vu l'extermination et l'oppression d'énormément de chamanes et de peuplades animistes.

    Dans le deuxième cas, soutenu par des ouvrages pseudo-scientifiques se basant sur la psychanalyse et la psychologie, le gouvernement russe de l'époque a fait passer l'idée que les chamanes ne sont que des schizophrènes comme les autres, en plus d'être de dangereux émissaires de la spiritualité et de la religion, ce qu'on appelait l'opium du peuple. Ils étaient donc des ennemis de l'état qu'il fallait dénigrer, discréditer et éliminer par tous les moyens possibles.

    Dans le premier cas, c'est un peu différent, car l'incompréhension fondamentale de la nature du chamane vient du fait qu'il est en lien direct avec l'autre monde, et qu'il en acquiert certains aspects. Pour ainsi dire, le chamane intègre en lui-même certaines particularités du monde des esprits. Selon les régions et les traditions, cela se traduit souvent par une certaine ambiguïté sexuelle, qui pourrait s'expliquer de plusieurs manières. Je vous livre un lien qui en donne une explication possible, à la fin de ce paragraphe. Je pense quant à moi qu'une autre explication est que pour être investi de l'ensemble de ses pouvoirs, le chamane a besoin d'expérimenter en lui-même les potentialités des deux sexes. Mais c'est un sujet tellement vaste que je le développerai probablement plus avant une autre fois.

    Quoiqu'il en soit, ce qu'il faut retenir, c'est que les chamanes sont souvent incompris, soit à cause de leur nature, et de la tentation fondamentale de rejet, qui existe chez l'homme à l'égard de tout ce qui est différent et qu'il ne comprend pas. Soit parce que certaines propagandes politiques ou des récupérations religieuses ont volontairement jeté la confusion et le discrédit sur la spiritualité chamanique. C'est pourquoi je tenais à soulever ce point ici. Il est vrai que les chamanes sont souvent des personnalités étranges, surprenantes, dont les actes sont même parfois choquants, ainsi que leur manière de vivre, cependant toutes ces choses ne sont que des expressions de leur caractère particulier.

http://lapirogue.free.fr/chamane.htm

Le dogmatisme

    Le dogmatisme, c'est évidemment l'une des tentations les plus fortes de l'homme, tant il est plus aisé de retenir les formules et de les appliquer, que de chercher à les remettre en cause en y réfléchissant plus avant, et se demander si elles sont vraiment fondées... C'est en quelque sorte une paresse du mental.

    Inutile de dire que le chamanisme et les religions païennes en général n'échappent tristement pas à ce constat. Il y a quelques années d'ailleurs, j'avais fait remarquer lors d'un débat sur un forum que décidément l'on ne cesse de dire que le paganisme est "a-dogmatique", à tel point que l'on pourrait ériger ce principe en dogme... Ce sur quoi la discussion a dérivé sur une amusante digression qui a accouché des neuf dogmes du paganisme, à cause de l'espièglerie d'un ami. En voici le résultat, sur son site qu'il ne m'en voudra sûrement pas de citer.

http://www.lething.org/articles.php?lng=fr&pg=4

    Quoiqu'on puisse penser de cette lutinerie à laquelle j'accorde personnellement une valeur quelque peu provocatrice, ce qui n'est pas péjoratif dans mon esprit, il n'en est pas moins vrai que le dogmatisme ronge tous les domaines de la pensée. C'est à dire bien entendu toutes les religions (y compris les paganismes), mais aussi les sciences, les sciences humaines, les arts (dont les académies constituent souvent les capitales du dogmatisme créatif), ou encore les disciplines ésotériques, telles que le chamanisme.

    Alors bien sûr, le dogmatisme est peut-être un obstacle à certaines dérives, mais est-ce vraiment un mur infranchissable pour les dérives new-ageuses, sectaires et autres ? L'expérience prouve le contraire, et même tend à démontrer que le dogmatisme en est l'une des inspirations premières...

    C'est pourquoi j'ai tendance à me tenir éloigné du dogmatisme comme de la lèpre.

    Ainsi, si l'on en croit certaines littératures et idées reçues on transforme une discipline pratique en une religion fermée. Alors qu'il suffit de se pencher sérieusement sur la question pour se rendre compte qu'en réalité, les tabous, interdictions, ainsi que les cosmogonies fondatrices des différentes traditions chamaniques se contredisent entre elles, si bien que lorsque l'on supprime toutes ces superstitions, dont peu sont réellement fondées, on constate qu'il n'en demeure au bout du compte qu'une pratique commune (la transe), quelques principes communs (comme une morale visant à accorder l'homme à son environnement), et quelques éléments irréductibles tels que la croyance dans les esprits (dont les ancêtres), leur présence à nos côtés et leur influence sur nos vies et notre environnement.

    Le reste ce ne sont rien d'autre que des croyances, tout à fait respectables, mais qui diffèrent d'une région à une autre, et auxquelles je ne me fierais donc pas, pour appréhender l'essence même du chamanisme, mais plutôt la signification particulière de tel rite, dans tel contexte. Ces croyances sont à appréhender de la même manière que nos mythes anciens, c'est à dire comme des récits contenants une éminente sagesse, qu'il ne faut pas mépriser, mais qu'il ne faut prendre comme rien d'autre.

    Ainsi je pense que ces superstitions plus ou moins ridicules et ces croyances locales respectables, mais propres à des peuples et à des époques, ont souvent contribué à donner une idée fausse du chamanisme, et à rendre son étude étriquée. Heureusement, tous ne tombent pas dans cet écueil, et tous ne font pas l'erreur de mettre sur le même plan le danger d'absorber n'importe comment des plantes psychotropes, et celui d'offenser un esprit en oubliant de jeter du sel par dessus son épaule gauche avant un repas...

    D'ailleurs, n'en déplaise à nos colporteurs de dogmes contemporains, et aussi pour finir cet article en cassant une dernière idée reçue sur le progressisme, les peuples animistes sont souvent les plus prompts à modifier leurs croyances pour les adapter au monde tel qu'ils le voient évoluer, contrairement à nous, qui sommes encore en recherche d'une nouvelle voie spirituelle, après l'échec manifeste des différents christianismes, perpétré par ses Eglises...

    Recherche qui ouvre précisément la brèche aux dérives new-age, aux tentatives politiciennes de contrôle, ou encore à des cultes qui s'ignorent, tel que celui de la Vérité scientifique, comme je l'ai dit plus haut.

    Pour en finir avec ces quelques mises au point qui n'engagent que moi et ma liberté de penser autrement, je terminerai par ceci :

"Les chats existent dans notre monde pour réfuter le dogme que toutes choses furent créées pour servir l'homme." [Froquevielle]















__Chamanisme et scientisme__

    L'obscurantisme fut l'un des maux les plus dévastateurs de l'ère récente. Il n'a pas disparu avec l'affaiblissement des religions consécutif aux grandes révolutions européennes. Il s'est simplement reporté sur les sciences, qui ont bien malheureusement atteint, chez pas mal d'esprits étroits, le statut de nouvelle religion. C'est le culte de la vérité scientifique, qui a encore de beaux jours devant lui.

    Devant ce culte, il faut s'incliner. Son commandement principal est de ne croire qu'en la preuve scientifique et de refuser tout possibilité de légitimation alternative. Cette hypertrophie de l'importance accordée à la raison toute-puissante implique que même les faits peuvent être amenés à s'incliner devant elle, si la raison ne peut les comprendre, les digérer, les expliquer, les ranger dans de petits tiroirs.

    Cette exagération du rationalisme scientifique, ou du doute (qui n'a souvent plus rien de raisonnable) que l'on retrouve dans la zététique, est un des fléaux de notre temps. Devant ce bulldozer sans discernement doivent fuir toutes les médecines alternatives, toutes les croyances non-institutionnelles et toutes sortes de minorités voulant échapper à la pensée unique.

    Avec cette pensée dominante, c'est en quelque sorte de règne d'une autre sorte d'arbitraire. Arbitraire qui décide qu'il est hérésie de croire en quelque chose qui n'a pas été scientifiquement prouvé, qu'il est folie de se soigner avec des thérapies non officiellement démontrées, et sottise de croire en quelque chose que l'on n'a pas vu. Comme si la raison était décidément le seul outil de la cognition humaine, comme si l'intuition était fondamentalement plus faillible que celle-ci (alors que c'est un mode d'appréhension du monde non-négligeable, et très important dans la démarche chamanique, ce qui comporte certes des risques, on ne peut le nier, mais est-ce une raison suffisante pour la rejeter ?), ou comme si une technique thérapeutique ne méritait pas d'être appliquée sous prétexte que son mode de fonctionnement n'a pas été expliqué et démontré, alors que cette technique marche, et soulage effectivement des gens.

    C'est dans ce contexte que le chamanisme évolue aujourd'hui, et il faut bien dire que c'est le seul obstacle à sa mise en oeuvre dans le monde moderne, tant le mépris exercé par ce culte, à l'égard de tout ce qui fonctionne autrement, est influent, sur nos modes de pensée. Si influent que beaucoup se sentent obligés de rechercher la caution scientifique, pour des choses qui sont a priori à l'extérieur du domaine de la science rationnelle telle qu'on l'appréhende aujourd'hui. Faut-il rappeler que le mot science se rapporte étymologiquement à la connaissance, ou au savoir, sans référence à la bonne ou mauvaise manière de l'obtenir, sans a priori sur la nature de ce savoir ? En effet, rien ne dit que la science est le domaine de chasse réservée du rationalisme...

    A vrai dire, le mot science peut tout aussi bien s'appliquer à la science médicale chamanique, ou à la sapience spirituelle... Ce sont des savoirs, au sens large du terme. Mais de nos jours, le scientisme s'est accaparé la marque déposée du savoir, sous prétexte de lutte contre les vérités alternatives. Atterrant, quand on y pense.

   

__Chamanisme et new-age__

    Un autre fléau du chamanisme est le courant new-age. Courant qui lui fit, et lui fait encore, beaucoup de tort, en infantilisant son approche, et en l'amalgamant avec toutes sortes de choses qui n'ont rien à voir, ce qui a tendance à le ridiculiser.

    Le new-age, cette nébuleuse incohérente de magies, de spiritualités anciennes et de croyances contemporaines sans relation les unes avec les autres, sans buts communs ni même, souvent, de concepts que l'on puisse sérieusement rapprocher. Un tel gloubi-boulga de tout et n'importe quoi qu'il constitue en soi-même la porte ouverte à toutes les dérives charlatanes en même temps qu'aux canulars les plus grotesques, sans parler du mercantilisme qui domine ce milieu.

    Le chamanisme n'y a naturellement pas échappé. Puisse-t-on le tenir autant que possible éloigné de cette confusion lamentable. Je ne vois rien de plus à en dire.

__La folie du chamane__

    Un autre thème qui génère une grande incompréhension, vis à vis du chamanisme. A l'opposé de la croyance que je décrivais au départ des amérindiens "êtres parfaits" et de leurs chamanes "incarnations vivantes de l'idée même de la sagesse", il existe aussi l'idée que les chamanes sont des malades mentaux ou des pervers, parfois les deux à la fois.

    Pourquoi ? Les deux causes principales en sont une incompréhension fondamentale de la nature du chamane et une propagande politique qui fut répandue sous l'ère stalinienne, en Russie, qui a vu l'extermination et l'oppression d'énormément de chamanes et de peuplades animistes.

    Dans le deuxième cas, soutenu par des ouvrages pseudo-scientifiques se basant sur la psychanalyse et la psychologie, le gouvernement russe de l'époque a fait passer l'idée que les chamanes ne sont que des schizophrènes comme les autres, en plus d'être de dangereux émissaires de la spiritualité et de la religion, ce qu'on appelait l'opium du peuple. Ils étaient donc des ennemis de l'état qu'il fallait dénigrer, discréditer et éliminer par tous les moyens possibles.

    Dans le premier cas, c'est un peu différent, car l'incompréhension fondamentale de la nature du chamane vient du fait qu'il est en lien direct avec l'autre monde, et qu'il en acquiert certains aspects. Pour ainsi dire, le chamane intègre en lui-même certaines particularités du monde des esprits. Selon les régions et les traditions, cela se traduit souvent par une certaine ambiguïté sexuelle, qui pourrait s'expliquer de plusieurs manières. Je vous livre un lien qui en donne une explication possible, à la fin de ce paragraphe. Je pense quant à moi qu'une autre explication est que pour être investi de l'ensemble de ses pouvoirs, le chamane a besoin d'expérimenter en lui-même les potentialités des deux sexes. Mais c'est un sujet tellement vaste que je le développerai probablement plus avant une autre fois.

    Quoiqu'il en soit, ce qu'il faut retenir, c'est que les chamanes sont souvent incompris, soit à cause de leur nature, et de la tentation fondamentale de rejet, qui existe chez l'homme à l'égard de tout ce qui est différent et qu'il ne comprend pas. Soit parce que certaines propagandes politiques ou des récupérations religieuses ont volontairement jeté la confusion et le discrédit sur la spiritualité chamanique. C'est pourquoi je tenais à soulever ce point ici. Il est vrai que les chamanes sont souvent des personnalités étranges, surprenantes, dont les actes sont même parfois choquants, ainsi que leur manière de vivre, cependant toutes ces choses ne sont que des expressions de leur caractère particulier.

http://lapirogue.free.fr/chamane.htm

__Le dogmatisme__

    Le dogmatisme, c'est évidemment l'une des tentations les plus fortes de l'homme, tant il est plus aisé de retenir les formules et de les appliquer, que de chercher à les remettre en cause en y réfléchissant plus avant, et se demander si elles sont vraiment fondées... C'est en quelque sorte une paresse du mental.

    Inutile de dire que le chamanisme et les religions païennes en général n'échappent tristement pas à ce constat. Il y a quelques années d'ailleurs, j'avais fait remarquer lors d'un débat sur un forum que décidément l'on ne cesse de dire que le paganisme est "a-dogmatique", à tel point que l'on pourrait ériger ce principe en dogme... Ce sur quoi la discussion a dérivé sur une amusante digression qui a accouché des neuf dogmes du paganisme, à cause de l'espièglerie d'un ami. En voici le résultat, sur son site qu'il ne m'en voudra sûrement pas de citer.

[http://www.lething.org/articles.php?lng=fr&pg=4|http://www.lething.org/articles.php?lng=fr&pg=4|fr]

    Quoiqu'on puisse penser de cette lutinerie à laquelle j'accorde personnellement une valeur quelque peu provocatrice, ce qui n'est pas péjoratif dans mon esprit, il n'en est pas moins vrai que le dogmatisme ronge tous les domaines de la pensée. C'est à dire bien entendu toutes les religions (y compris les paganismes), mais aussi les sciences, les sciences humaines, les arts (dont les académies constituent souvent les capitales du dogmatisme créatif), ou encore les disciplines ésotériques, telles que le chamanisme.

    Alors bien sûr, le dogmatisme est peut-être un obstacle à certaines dérives, mais est-ce vraiment un mur infranchissable pour les dérives new-ageuses, sectaires et autres ? L'expérience prouve le contraire, et même tend à démontrer que le dogmatisme en est l'une des inspirations premières...

    C'est pourquoi j'ai tendance à me tenir éloigné du dogmatisme comme de la lèpre.

    Ainsi, si l'on en croit certaines littératures et idées reçues on transforme une discipline pratique en une religion fermée. Alors qu'il suffit de se pencher sérieusement sur la question pour se rendre compte qu'en réalité, les tabous, interdictions, ainsi que les cosmogonies fondatrices des différentes traditions chamaniques se contredisent entre elles, si bien que lorsque l'on supprime toutes ces superstitions, dont peu sont réellement fondées, on constate qu'il n'en demeure au bout du compte qu'une pratique commune (la transe), quelques principes communs (comme une morale visant à accorder l'homme à son environnement), et quelques éléments irréductibles tels que la croyance dans les esprits (dont les ancêtres), leur présence à nos côtés et leur influence sur nos vies et notre environnement.

    Le reste ce ne sont rien d'autre que des croyances, tout à fait respectables, mais qui diffèrent d'une région à une autre, et auxquelles je ne me fierais donc pas, pour appréhender l'essence même du chamanisme, mais plutôt la signification particulière de tel rite, dans tel contexte. Ces croyances sont à appréhender de la même manière que nos mythes anciens, c'est à dire comme des récits contenants une éminente sagesse, qu'il ne faut pas mépriser, mais qu'il ne faut prendre comme rien d'autre.

    Ainsi je pense que ces superstitions plus ou moins ridicules et ces croyances locales respectables, mais propres à des peuples et à des époques, ont souvent contribué à donner une idée fausse du chamanisme, et à rendre son étude étriquée. Heureusement, tous ne tombent pas dans cet écueil, et tous ne font pas l'erreur de mettre sur le même plan le danger d'absorber n'importe comment des plantes psychotropes, et celui d'offenser un esprit en oubliant de jeter du sel par dessus son épaule gauche avant un repas...

    D'ailleurs, n'en déplaise à nos colporteurs de dogmes contemporains, et aussi pour finir cet article en cassant une dernière idée reçue sur le progressisme, les peuples animistes sont souvent les plus prompts à modifier leurs croyances pour les adapter au monde tel qu'ils le voient évoluer, contrairement à nous, qui sommes encore en recherche d'une nouvelle voie spirituelle, après l'échec manifeste des différents christianismes, perpétré par ses Eglises...

    Recherche qui ouvre précisément la brèche aux dérives new-age, aux tentatives politiciennes de contrôle, ou encore à des cultes qui s'ignorent, tel que celui de la Vérité scientifique, comme je l'ai dit plus haut.

    Pour en finir avec ces quelques mises au point qui n'engagent que moi et ma liberté de penser autrement, je terminerai par ceci :

"Les chats existent dans notre monde pour réfuter le dogme que toutes choses furent créées pour servir l'homme." [Froquevielle]

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